L’affaire des plaques minéralogiques d’où disparaissent les numéros des départements en était les prémices. La polémique suscitée par le rapport Balladur – qui permet, sur la base du volontariat, le démantèlement de régions, la fusion d’autres et la suppression des cantons – renvoie à ce besoin d’identité et d’enracinement des Français, exprimé par le mouvement «Jamais sans mon département» lancé par un collectif d’élus de toutes tendances, au printemps 2008. Et le fait qu’une commission incite à un «big bang» territorial passe mal. La région Rhône-Alpes appelée à se marier avec l’Auvergne, idem pour l’Alsace et la Lorraine, la bataille pour la capitale de la Bretagne, qui se profile entre Rennes et Nantes, sans parler de la disparition pure et simple de l a Picardie, l a naissance d’un Grand Paris sur les décombres des trois départements de la petite couronne, le dépeçage de Poitou-Charentes, l’union des deux Normandies : autant de mouvements impulsés par Paris et vécus comme des injonctions tombant d’en haut. «Mépris». Dans son introduction, le rapport Balladur souligne que «l’administration du territoire est, en France, une question éminemment politique». Les réactions enregistrées avant même la sortie officielle du rapport le confirme ! La principale critique, qui dépasse les clivages partisans, concerne la méthode. «Quel mépris pour la démocratie la plus élémentaire, une fois de plus !» a ainsi tonné Patrick Braouezec, président (PCF) de la communauté d’agglomération Plaine Commune (Seine-Saint-Denis), appelée à disparaître dans le Grand Paris. Même le fidèle sarkozyste Brice Hortefeux, ministre du Travail et leader de la majorité en Auvergne, a appelé à ne «pas se précipiter» et à «consulter la population». Tout en renvoyant le mistigri à ses voisins du Sud. «Il y avait trois régions identifiées par les Français : Bretagne, Alsace et Auvergne», a-t-il expliqué mercredi, contrairement à Paca dont «personne ne sait ce que c’est», ou Midi-Pyrénées, dont «bien malin qui arrive à donner la totalité des départements». Toujours sur la méthode, Ségolène Royal a proposé hier d’ «associer tous les Français dans une démarche de démocratie participative», pour éviter que des propositions soient faites «en catimini dans une commission». Quant à Pierre Méhaignerie, député (UMP) d’Ille-et-Vilaine, il a souligné que tendre vers une quinzaine de régions (contre actuellement 22 en métropole) «doit être laissé à l’initiative des habitants de ces régions». Enfin, le député (UMP) de Seine-Saint-Denis, Eric Raoult, a lui aussi proposé de donner du temps au temps, jugeant que le Grand Paris était «un objec t i f pour 2020 ou 2025» et non 2014. S’est-il aperçu d’un déficit démocratique ? Toujours est-il qu’Edouard Balladur a suggéré hier, avant de lancer le Grand Paris, la tenue d’un référendum en Ile-de-France pour mesurer le degré de satisfaction de ses habitants sur les transports, le logement et l’urbanisme. «Ringard». La majorité socialiste de la région Ile-de-France a porté le fer sur la pertinence de la disparition des trois départements limitrophes à la capitale (Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Hauts-de-Seine) : le président de la région, Jean-Paul Huchon, a taxé de «très ringard» le choix retenu par la commission. «On en revient au département de la Seine [démantelé en 1964, ndlr] que le général de Gaulle lui-même avait trouvé inutile et contre-productif.» Bertrand Delanoë a pesté contre une proposition «inadaptée» , qui comporte «une erreur majeure», celle de provoquer «une cassure entre petite et grande couronne». Les élus franciliens se sont aussi inquiétés du risque d’affaiblissement des politiques de proximité que mènent les départements. La querelle s’est aussi transportée sur le terrain du clivage droite-gauche.
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