Collectivités locales :
les prudences de l'UMP
Judith Waintraub
Le redécoupage des régions inquiète jusqu'aux sarkozystes.
Les élus de la majorité sont unanimes : le rapport Balladur est «courageux». Mais beaucoup se demandent s'il ne l'est pas «trop». Parmi les vingt propositions adoptées hier par le comité pour la réforme des collectivités locales, la constitution du Grand Paris est l'une des plus critiquées. Elle supposerait la fusion entre la capitale et les départements de la petite couronne. Éric Raoult, maire du Raincy et député de Seine-Saint-Denis, reconnaît que «les objectifs de solidarité sont dans les têtes de tous les élus d'Ile-de-France», mais ne s'imagine pas aller voir ses homologues «des beaux quartiers de Paris et des Hauts-de-Seine» pour leur dire : «C'est le grand soir, partagez vos richesses !» Il ne serait sans doute pas le plus virulent, Le Raincy étant considéré comme «le Neuilly du 9-3», mais l' appétit de ses voisins moins bien dotés effraie dans l'Ouest francilien.
«Puisque Paris est à gauche et que le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis le sont aussi, faire le Grand Paris dans ces conditions reviendrait à organiser le dépouillement des Hauts-de-Seine», assure Patrick Balkany, qui prédit dans la foulée «un recul politique de la droite» en Ile-de-France. L'ultrasarkozyste maire de Levallois-Perret estime que les élus des départements de la petite couronne «ont un vrai rapport de proximité avec leurs électeurs», qui serait «dilué» si cet échelon disparaissait. Il veut croire que ce projet est «voué à l'échec ou, pour le dire plus diplomatiquement, qu'il va déboucher sur de longs discours».
Jusqu'à présent, Claude Goasguen est le seul élu de la droite parisienne à s'être publiquement «félicité» des mesures proposées par le comité Balladur. Précision : le maire du XVIe est aussi le responsable du projet Grand Paris au groupe UMP au Conseil de Paris.
«Sur le Grand Paris, nous devons encore mener le travail de coproduction législative que nous avons réalisé sur le reste de la réforme territoriale. Il n'y a pas encore eu de concertation», reconnaît Jean-François Copé. Le président du groupe UMP de l'Assemblée, qui approuve le reste des propositions Balladur, affirme que son enthousiasme est partagé par «une majorité des députés» du parti présidentiel. Pour une raison qu'il explique sans fausse modestie : «Le comité a repris la plupart des propositions de la commission constituée à ma demande sur le sujet à l'Assemblée nationale, et ces propositions ont été signées par 200 députés UMP.» Au passage, il en profite pour se féliciter d'avoir «insisté pour que les parlementaires se saisissent du sujet en amont», même si cela lui a valu «d'agacer Nicolas Sarkozy, une fois de plus».
«Il ne faut pas se précipiter»
Jean-François Copé s'avance peut-être en prédisant la réussite de la réforme. La plupart des élus UMP concernés par le redécoupage de la carte régionale y sont hostiles. L'éclatement de la Picardie entre trois régions (Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais et Champagne-Ardenne) a même déjà donné lieu à la diffusion d'une pétition, «Touche pas à ma Picardie», qui a recueilli près de 35 000 signatures depuis le 3 février. Le maire UMP de Beauvais (Oise), Caroline Cayeux, juge «invraisemblable» qu'on puisse «décider de rayer d'un trait de la carte une région qui a une histoire forte, un patrimoine commun».
Moins virulent - mais il est ministre -, Brice Hortefeux a exprimé en termes choisis hier, sur I-Télé, les sentiments que lui inspire la proposition de fusionner l'Auvergne, son fief d'origine, et Rhône-Alpes. «Je pense que là-dessus il ne faut pas se précipiter, certainement faire de la pédagogie, consulter la population, et donc engager une réflexion de manière sereine, et pas brutale», a temporisé le ministre du Travail. Selon lui, l'Auvergne fait partie des trois régions identifiées par les Français, avec la Bretagne et l'Alsace. Il s'en est pris au passage à «Paca, dont personne ne sait ce que c'est», et à Midi-Pyrénées, en affirmant : «Bien malin qui arrive à donner la totalité de ses départements». Ses collègues des régions concernées apprécieront.
Bref, comme souvent, tout le monde est d'accord pour rationaliser, à condition que le voisin donne l'exemple. «C'est comme pour un couple, soupire Éric Raoult. Avant de décider de s'installer ensemble et de faire des enfants, il faut quelques préliminaires.»
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