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Antilles: Pourquoi Sarkozy n'y est-il pas encore allé?
Créé le 24.02.09 à 19h28 | Mis à jour le 24.02.09 à 20h36 |
CRISE - Après plusieurs semaines de silence, le chef de l'Etat a repris la main sur le dossier de l'Outre-mer mais a repoussé sa visite aux Antilles au mois d'avril. Dans quel but?
La question brûle toutes les lèvres. Mais pourquoi diable le président de la République, d'ordinaire si prompt à se déplacer au coeur de l'action, ne s'est-il toujours pas rendu aux Antilles depuis le début de la crise, il y a près de six semaines? Pourquoi a-t-il repoussé ce déplacement au mois d’avril pour l’organisation d’Etats généraux? Quelques éléments de réponse.
Certains s’offusquent qu’on puisse soupçonner Nicolas Sarkozy de se désintéresser du sort des ultramarins. Pourtant, les faits sont là: il aura fallu attendre plus de trois semaines pour que le président de la République reprenne officiellement en mains, jeudi dernier, ce dossier sensible; entérine la mise en place d’un conseil interministériel de l’Outre-mer et annonce la tenue d’Etats généraux.
Pas peur d’y aller
Pour ses détracteurs, Nicolas Sarkozy aurait eu, une fois n’est pas coutume, peur de la confrontation avec le LKP, ce collectif guadeloupéen à l’origine d’un mouvement social exacerbé et susceptible de l’affaiblir encore davantage dans l’opinion (Selon le baromètre BVA pour Orange, «L'Express» et France-Inter publié ce mardi, le chef de l'Etat perd 6 points de popularité en un mois, à 41% de bonnes opinions). Et le chef de l’Etat n’aurait, en outre, pas eu grand-chose à gagner politiquement dans un tel déplacement, les Antilles étant un bastion de gauche et un territoire conquis par son prédécesseur, Jacques Chirac.
Interrogé par 20minutes.fr, le député-maire UMP du Raincy Eric Raoult estime que cette théorie est une ineptie. «On fait un mauvais procès à Nicolas Sarkozy quand on dit qu’il ne s’intéresse pas au dossier ou qu’il ne veut pas y aller. Nous sommes face à une problématique extrêmement complexe et je crois que c’est précisément parce que le chef de l’Etat a saisi l’importance des enjeux qu’il ne se précipite pas aux Antilles», affirme celui qui est également président de l’Amicale des parlementaires amis de l’Outre-mer. «Le président de la République a de nombreux conseillers spécialisés sur ce sujet dont il suit les développements heure par heure», précise-t-il.
Prendre son temps
«Nicolas Sarkozy n’a pas abandonné sa logique volontariste mais il connaît la tension actuelle. Il sait que, potentiellement, le mouvement social actuel peut dériver vers quelque chose de plus politique et il ne veut pas rajouter d’huile sur le feu avec une visite impromptue. Son seul souci, c’est de trouver des solutions économiques et sociales viables afin que les tensions s’apaisent. Ensuite, il se rendra sur place, avec ces solutions», assure Eric Raoult.
Mais pourquoi ne pas avoir pris la parole plus tôt? «Parce qu’il a décidé, sur ce sujet, d’agir doucement, avec une intelligente prudence», concède Eric Raoult. «Je vous propose que nous nous mettions d'accord sur un processus étalé sur trois mois. Il s'agira de la plus grande consultation jamais réalisée en Outre-mer», a ainsi lancé le chef de l'Etat aux élus locaux réunis à l'Elysée jeudi dernier.
L’Outre-mer, c’est (quand même) pas trop son truc
Il n’y a peut-être pas que cela pour expliquer que le chef de l’Etat n’ait pas fait le déplacement. Car, pour beaucoup, l’Outre-mer, ce n’est pas trop le sujet de prédilection du Président. Et jusqu’à la semaine passée, le chef de l’Etat espérait sans doute un règlement du conflit sans avoir besoin de mettre la main à la pâte.
«Nicolas Sarkozy n’a pas de sensibilité pour l’Outre-mer», explique un correspond politique de Radio France Outre-mer (RFO) à la Réunion. «Il a fait l’effort d’essayer de répondre aux préoccupations des Antillais, c’est déjà ça». D’ailleurs les Français d’Outre-mer ne sont pas fâchés que le chef de l’Etat n’ait pas fait le déplacement car «il y a une indifférence partagée», résume-t-il.
Un point sur lequel ses adversaires politiques n’hésitent pas à appuyer. «Le général de Gaulle, François Mitterrand, Jacques Chirac aimaient les DOM et, là, ils ont l'impression qu'on ne les aime plus, qu'on ne s'occupe plus d'eux», lâchait la semaine passée la première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry.
Des mauvais souvenirs
Elle emboîtait le pas de Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national du PS aux relations internationales, qui affirmait de son côté que lorsqu’«il se passe des événements en Géorgie, deux heures plus tard, Nicolas Sarkozy est sur place. Là, il y a un mort, une situation qui dure depuis 20 jours, il n'a pas fait le déplacement».
Il faut dire que sa dernière visite, le chef de l’Etat n’en garde pas un très bon souvenir. En décembre 2005, alors qu’il était encore ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy avait dû repousser sa venue aux Antilles face à une importante vague de contestation.
Les Antillais, dont le poète Aimé Césaire s’était fait symboliquement le porte-voix, reprochaient au «premier flic de France» la promulgation, quelques mois plus tôt, de la loi faisant état du «rôle positif» de la colonisation française et, plus globalement, la façon dont il stigmatisait les populations des quartiers («racaille», «kärcher»). Une pilule dure à avaler.
Le déplacement avait finalement bien eu lieu trois mois plus tard. Mais tout avait été soigneusement orchestré pour éviter les débordements. Alors, bis repetita?
Nicolas Buzdugan
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